Perspectives: Karen Gliozzo-Schmutz & Hadrien Gliozzo, Nordsix, Lausanne
Dessins et collages de textes et d’images pour comprendre le monde.
Votre histoire en trois phrases
Nous travaillons dans cet atelier, à la place du Nord 6 à Lausanne, depuis 2009 et sommes officiellement associés sous le nom de Nordsix depuis 2013. Notre histoire c’est notre complémentarité. Nous partageons les mêmes valeurs mais approchons les projets de manière inverse et c’est ainsi, au fil de nos échanges et débats, que se construisent nos projets. Entre fond et forme. Entre dessins et collages de textes et d’images.
Aujourd’hui
Nous sommes très contents, nous ne travaillons plus qu’avec des clients et pour des projets que nous aimons. C’est une sorte de luxe. Nous avons choisi de rester une petite structure pour justement rester libre mais aussi pour continuer à faire notre métier, à dessiner. Nous nous considérons comme des artisans. Maintenant notre objectif est aussi de bloquer dans notre agenda une vraie place pour nos propres projets. Nous avons profité du premier confinement pour créer et auto-éditer un premier cahier jeunesse, le deuxième numéro est prévu pour octobre 2021. Et puis, nos tiroirs sont pleins de projets qui attendent …
Qu’est-ce qui est important pour vous dans un travail ?
Le processus avant toute chose. Car le souvenir d’un bon projet se forge avant tout par son processus plus que par le résultat obtenu. Et puis il y a l’enrichissement intellectuel que nous offre ce métier, nous faisons en quelques sortes mille métiers en un. Chaque projet est un apprentissage dans son domaine. Cette curiosité est au coeur de notre travail. On aime nos mandants et ce qu’ils font. On pourrait dire que nous sommes en perpétuel stage-découverte, c’est ce qui nous anime.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre travail et qu’est-ce qui vous plaît moins ?
Comme dit, on ne s’ennuie jamais et on apprend tous les jours, ce métier est fantastique pour ça. Et quand cela ne nous plaît pas, on arrête. Car d’expérience, un processus qui ne va pas, n’amène pas un bon projet, alors à quoi bon. Mais si chacun se concentre à faire son travail, si chacun garde sa place tout en livrant son savoir, la collaboration est un vrai plaisir. Et puis, ce ne sont pas forcément les projets qui paraissent les plus « sexy » qui sont les mieux à faire.
Comment préservez-vous équilibre travail-vie privée ?
Iil n’y a pas de distinguo, c’est la vie tout court, tout se mêle. On parle des projets autant au bureau qu’à la maison, avec nos enfants. Et les enfants, leur spontanéité en tout point, sont à l’inverse une référence à suivre.
Quelle importance accordez-vous à votre formation – qu’en avez-vous retiré ? Qu’est-ce qui vous a manqué ?
Ça nous semble loin – on a eu une formation sur trois ans – c’était un peu spécial, on était entre deux systèmes. C’était court. Mais en fait notre formation a commencé déjà au gymnase, car la culture générale (histoire de l’art, français, sciences, etc.) est la base de notre pratique professionnelle. Finalement notre formation de graphiste CFC, nous a surtout apporté les bases techniques. Et nous apprenons tous les jours. Hadrien a par ailleurs fait à Zurich le CAS de Type Design.
Quel est votre avis sur la formation actuelle de graphiste CFC ?
Pourquoi questionner seulement la formation CFC ? A notre avis, si on parle formation, il faut questionner CFC et HES en parallèle – car les diplômés visent le même marché. Il faut aussi prendre en compte que 90% des CFC en Suisse romande sortent de l’école des métiers et non de l’apprentissage dual. Et les bons CFC sont ensuite poussés à faire une HES. A la fin, ils ont fait 7 ans d’études (ou 10 ans pour tous ceux qui font un Master) pour être graphiste. Est-ce vraiment sensé ? Aussi un CFC ne peut plus enseigner à ses pairs, on doit aujourd’hui avoir un Bachelor. Le CFC en école des métiers est principalement enseigné par des diplômés HES. Alors comment justifier et démarquer encore ces deux cursus? A notre avis, le CFC a du sens en formation duale, beaucoup moins en école des métiers, aussi il doit redevenir plus technique pour se démarquer.
Où en sera notre profession dans cinq ans ?
Où en seront les sociétés dans cinq ans ? Ca va probablement devenir de plus en plus difficile pour beaucoup de monde. La compréhension de l’autre et la gestion de projet sont de vraies plus-values face à la concurrence digitale et internationale. Il y a certainement quelque chose à jouer sur la proximité et l’humain. La déontologie devrait aussi reprendre une place prépondérante dans nos professions.
Et pour finir, cette remarque :
Trop se laver les mains les dessèchent.
A l’auteur: Regula Cajacob est cheffe de communication diplômée et a travaillé pendant plus de 20 ans dans des agences de communication. Depuis 2013 elle est secrétaire de l’association professionnelle SGD Swiss Graphic Designers.
Photo de Manuel Castellote.